Gestion du spectre - Du début aux années 1990 |
Page 09 de 09 Les balises de détresse |
De la localisation de radio-balises de détresse (ELT) Une contribution de Michel Castonguay
La sécurité aérienne préoccupe l'ensemble de la population, les compagnies aériennes et le gouvernement.
Une des façons d'augmenter cette sécurité est d'équiper chaque aéronef d'une radio-balise automatique, mieux connu sous le vocable * ELT+ Emergency Locating Transmitter. Cette radiobalise est destiné à émettre un signal radio lorsqu'il subi un choc suffisamment violent. Elle permet, par le radio-repérage, de localiser l'emplacement de l'aéronef.
L'Union internationale des télécommunications (UIT) et l'Organisation le l'aviation civile internationale (OACI) ont réservé les fréquences 121,5 MHz et 243 MHz sur le plan mondial pour uniformiser l'usage de cet appareil.
Une écoute permanente de ces fréquences est effectuée par les contrôleurs aériens dans les aéroports. Un réseau international de satellites a également été mis en place et permet de localiser automatiquement et de façon approximative l'endroit d'où provient le signal de détresse.
Alors, qui est suffisamment expérimenté et équipé pour localiser les appareils disparus par la réception de signaux d'urgence sur les fréquences 121,5 MHz ou 243 MHz ? Au Canada, les militaires, certains techniciens de Transport Canada sont en mesure de le faire ainsi que les inspecteurs de la radio.
Il faut comprendre que la situation a grandement évoluée depuis la mise en service de ce système de sécurité et qu'au tout début, peu de personnes étaient qualifiées pour détecter et localiser la provenance de ces signaux. Les satellites n'offraient pas la capacité d'aujourd'hui et la qualité des radiobalises n'étaient pas aussi bonne. Durant les premières années d'implantation, les batteries des radiobalises avaient tendance à devenir défectueuses et à provoquer l'état de marche accidentel de l'émetteur d'urgence. Comme tous les appareils utilisent principalement la même fréquence, le brouillage causé par des émetteurs qui transmettaient par défaillance nuisaient considérablement à la réception et réduisait la capacité du réseau d'écoute pour identifier un aéronef en détresse.
La procédure typique de recherche implique le constat de la présence d'un signal de détresse par un contrôleur aérien, par un pilote d'avion ou par les militaires qui le rapportent au Centre de recherche et de sauvetage du Canada. Le dépistage de ce signal de détresse est réalisé par le système de satellite et par des avions militaires qui déterminent l'emplacement de la radiobalise de l'aéronef en détresse ou en défaillance. Lorsque les conditions (météo, régions urbaines, aéroports) ne permettent pas aux militaires de déterminer l'aéronef en faute, ils demandent aux techniciens de Transport Canada ou aux inspecteurs de la radio de localiser la radiobalise qui émet le signal de détresse.
Durant ces premières années d'implantation, les cas de défaillances étaient très nombreux et les militaires localisaient l'emplacement des sources, sauf que très souvent, ils ne pouvaient distinguer les aéronefs en faute car ils étaient situés sur des aéroports, sur des plans d'eau, dans des hangars ou dans des régions urbaines. Les inspecteurs de la radio étaient donc appelés assez souvent à compléter le travail de dépistage. Voici quelques cas et anecdotes qui dépeignent bien la nature des enquêtes de localisation * ELT+ réalisées:
1- Cas typique
La majorité des enquêtes débutaient par un appel du Centre de recherche et sauvetage du Canada qui informait un superviseur du bureau de district concerné du ministère responsable de la gestion des radiofréquences (Transport Canada, Communications Canada, Industrie Canada) qu'ils recevaient un signal d'une radiobalise de secours * ELT+ . Les militaires s'étaient rendus avec un avion de type * Buffalo+ et avaient localisé la source du signal à un certain endroit et ils n'avaient pas trouvé d'aéronef en détresse. Ils demandaient alors une assistance pour trouver la radiobalise défectueuse dans la région identifiée.
Le superviseur assignait donc rapidement l'enquête à toute heure du jour à un inspecteur de la radio qui devait débuter l'enquête en se rendant au bureau pour récupérer un véhicule de contrôle du spectre et le matériel de radiorepérage requis. Il communiquait alors avec le centre de recherche et sauvetage pour valider l'information et la présence continuelle du signal de secours. Il se dirigeait ensuite vers la région identifiée par les militaires et se mettait à l'écoute de la fréquence 121,5 MHz à l'aide du matériel de radio-repérage. Rendu dans la région concernée, la matériel de réception installé dans le véhicule de contrôle permettait normalement de recevoir le signal de secours et l'inspecteur de la radio localisait assez rapidement l'emplacement de la radiobalise à l'aide des méthodes de radiogoniométrie (relevés d'azimut radio, triangulations, mesures d'intensité de champ, etc.). Le problème était que dans la plupart des cas, l'aéronef contenant la radiobalise défectueuse était garé parmi plusieurs autres avions ou hydravions dans un aéroport ou sur un plan d'eau, ou qu'il n'était pas possible de le voir car il était dans un hangar ou un garage quelconque. L'inspecteur radio devait donc utiliser des méthodes d'enquêtes diverses et beaucoup de débrouillardise pour identifier l'aéronef en faute.
Lorsqu'il l'avait identifié, il devait maintenant faire cesser la transmission du signal brouilleur le plus rapidement possible afin de libérer la fréquence de détresse de tout brouillage. Il communiquait par la suite avec le Centre de recherche et sauvetage pour les informer des résultats de l'enquête. Ce type d'enquête a permis de localiser des radiobalises défectueuses dans de multiples hangars sur des aéroports, dans des garages de commerces et de particuliers qui effectuaient des réparations sur leurs appareils, dans des marinas et des aéroports isolés, dans des entrepôts de pièces et même dans des * containers+ prêts à partir pour la Russie+ .
2- Où est parti l'avion ?
Après avoir été informés par les contrôleurs aériens de l'aéroport de Dorval (Montréal) qu'ils recevaient un signal sur la fréquence 121,5 MHz, un inspecteur de la radio du bureau de district de Montréal qui travaillait dans les environs s'est rendu rapidement à l'aéroport et a vite déterminé que la radiobalise émettant le signal de secours était située dans un hangar contenant quatre gros avions de ligne garés côte à côte.
L'inspecteur ne possédait que du matériel de surveillance radio installé de façon permanente dans son véhicule et ne pouvait distinguer lequel des aéronefs était en cause dû à l'environnement métallique qui engendrait des réflexions multiples du signal. Il s'est rendu dans les bureaux de la compagnie aérienne et a communiqué avec un collègue au bureau pour lui apporter le matériel de radiorepérage portatif requis. Lorsque le collègue est arrivé avec le matériel 45 minutes plus tard, plus aucun signal de secours n'était reçu mais l'inspecteur a constaté qu'un des aéronefs avait sorti du hangar. L'inspecteur a fourni l'identification de l'avion en question aux contrôleurs aériens qui lui ont indiqué que l'avion avait décollé. Les mesures ont été prises pour informer le Centre de recherche et sauvetage du Canada ainsi que le pilote de l'avion concerné des problèmes avec son * ELT+ afin qu'il régularise la situation lors de son arrivée.
3- Bonne année !
Le Centre de recherche et sauvetage du Canada accomplit des tâches extraordinaires et les militaires fournissent une aide d'une valeur incalculable. Leur capacité d'intervention est tout de même limitée par les conditions météorologiques et il arrive que leurs avions ne peuvent être utilisés.
C'était le cas un certain soir d'un Jour de l'an lorsqu'un signal de secours a été détecté par le réseau de satellite qui a repéré la position à mi-chemin entre Ottawa et Montréal. Une importante tempête de neige rageait et un froid glacial rendaient impossible le décollage des * Buffalo+ de Trenton assignés à ces recherches. Les responsables du Centre ont communiqué avec le personnel en disponibilité du bureau de district de Montréal et un inspecteur de la radio a été affecté pour enquêter ce cas. L'inspecteur s'est rendu au bureau et s'est mis en route pour la région identifiée à bord d'une automobile équipée de matériel de radiogoniométrie.
La tempête était vraiment importante et rendait la conduite sur la route difficile : la température était très froide, le vent était très fort et la neige s'accumulait en grande quantité. Bravant les intempéries, l'inspecteur de la radio a pris la route longeant la rivière Outaouais en direction de Hull.
A cause de ces conditions, la recherche a pris plusieurs heures et l'inspecteur a finalement repéré l'aéronef qui émettait le signal de secours. Il s'agissait d'un petit avion inoccupé de type Cessna qui était bizarrement situé sur la glace de la rivière Outaouais en bordure de la rive près de la municipalité de Fawcett (Québec) et une de ses hélices était brisée. Comme il faisait nuit et que la visibilité était presque nulle, l'inspecteur a consulté les responsables du Centre de recherche et sauvetage et a relié l'antenne à une mise à la terre pour limiter l'émission du signal de détresse. Il a décidé d'attendre l'aube pour poursuivre son enquête et a alors questionné les gens présents dans un restaurant avoisinant pour déterminer les circonstances.
Le propriétaire du restaurant a alors expliqué que le pilote de l'aéronef s'était présenté à son restaurant la journée précédente et lui avait demandé de l'aide. Les faits relatés étaient difficiles à croire mais se sont révélés réels: le pilote était parti d'Ottawa en direction de son domicile à Valleyfield et a atterri d'urgence sur la rivière gelé car son carburateur avait des ratés à cause du froid. Comme il y avait épais de neige sur la rivière, il a demandé de l'aide au restaurateur et des amis ont traîné l'avion sur des toboggans à l'aide de motoneiges. Le pilote a réparé son carburateur et a décidé de repartir malgré le mauvais temps. Comme il n'était pas sur une piste d'aéroport et qu'il manquait de jugement, il a décidé d'attacher les toboggans sous ses roues et a tenté de décoller sur la rivière enneigée. Ce qui devait arriver arriva: l'avion n'a pas réussi à décoller et a planté du nez. Une des hélices s'est brisée et les mêmes motoneigistes l'ont remorqué à nouveau sur le bord de la rive. Le pilote a téléphoné à son domicile et quelqu'un est venu le chercher en automobile....Quelle histoire, pas digne d'un pilote qui n'est sûrement pas chevronné ! L'inspecteur de la radio a visité le pilote à son retour pour valider ces faits insolites et a fourni un rapport détaillé aux responsables de Transport Canada.
4- Une balise en balade ...
Le Centre de recherche et sauvetage du Canada a demandé une journée l'assistance d'un inspecteur de la radio de Communications Canada car un signal de secours avait été détecté par le réseau de satellite et ce signal était repéré sur l'aéroport de Montréal. Ils avaient communiqué avec Transport Canada qui ne réussissait pas à localiser le signal et aucun aéronef n'était en perdition.
L'inspecteur de la radio dépêché sur les lieux a réussi à détecter le signal de secours mais curieusement il provenait de l'édifice principal de l'aérogare. L'inspecteur s'est alors dirigé vers le terminal équipé de matériel de dépistage radio portatif et a tenté de déterminer l'emplacement précis de la source du signal. La tâche était particulièrement difficile car la source du signal se déplaçait constamment. Après quelques heures de recherche, la source a finalement cessée de se déplacer et l'inspecteur a déterminé que le signal émanait de la valise d'un pilote d'avion. Il s'agissait bel et bien d'une radiobalise de secours portative appartenant au pilote qui la transportait dans sa valise pour l'apporter à un atelier de réparation. La radiobalise était défectueuse car elle transmettait continuellement sans être en position de marche. Le pilote était très surpris et décontenancé et le signal a été finalement éliminé après avoir débranché la batterie.
5- Le pilote est-il toujours dans l'avion ?
Le Centre de recherche et sauvetage du Canada a demandé une certaine nuit l'assistance de Communications Canada car un signal de secours avait été détecté par le réseau de satellite et ce signal était repéré dans la région des Laurentides. Les conditions climatiques orageuses empêchaient les sauveteurs de la Défense nationale de se diriger vers cette région à bord de leurs avions et ne pouvaient pas localiser la source du signal.
Un inspecteur de la radio a donc été rappelé au travail et dépêché le plus rapidement possible sur les lieux. L'inspecteur s'est déplacé vers les coordonnées fournies par le Centre de recherche et de sauvetage et a réussi à localiser l'emplacement de la source du signal de secours. Il faisait toujours nuit et le signal provenait du milieu d'un lac situé près de la municipalité de Rawdon. Il faisait tellement noir à cause des orages qu'il était impossible de distinguer la présence d'un avion. Après avoir patrouillé tout autour du lac, l'inspecteur a fini par identifié un hydravion qui gisait à l'envers dans le lac. L'inspecteur a alors communiqué avec le service de police desservant la région et a appris qu'un résidant avait rescapé le pilote quelques heures auparavant après que l'hydravion ait eu une embardée lors du décollage. Le pilote a été sauvé in extremis car le bon samaritain s'est rendu rapidement à bord d'une embarcation près de l'hydravion renversé et a extirpé le pilote inconscient dans la cabine sous l'eau. Le héros lui a sauvé la vie en lui appliquant les méthodes de réanimation et le pilote a été transporté à l'hôpital. Une histoire qui finit bien car l'inspecteur de la radio a bien failli trouver un cas fatal.
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